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Ammar Hadj Messaoud, Ing.; M.SC.

De la Complexité À La Simplicité : La Voie De La TOC

Depuis l’avènement de la seconde révolution industrielle la pensée de management prédominante est basée sur une philosophie cartésienne. Taylor et Fayol ont développé une pensée pour la gestion et l’organisation des entreprises manufacturières et des administrations. Ainsi depuis presque un siècle (depuis 1900), nous avons cette profonde croyance que pour bien gérer un système complexe il suffit de le décomposer en petites parties pour le rendre simple. Cela veut dire qu’on prend un système naturel et on le rend artificiel pour mieux le comprendre. Nous demandons légitimement à la pensée qu’elle dissipe les brouillards et les obscurités, qu’elle mette de l’ordre et de la clarté dans le réel, qu’elle révèle les lois qui le gouvernent. Le mot de complexité, lui, ne peut qu’exprimer notre embarras, notre confusion, notre incapacité de définir de façon simple, de nommer de façon claire, de mettre de l’ordre dans nos idées.

Aussi la connaissance scientifique fut longtemps et demeure encore souvent conçue comme ayant pour rôle de dissiper l’apparente complexité des phénomènes afin de révéler l’ordre simple auquel ils obéissent. Mais s’il apparaît que les modes simplificateurs de connaissance mutilent plus qu’ils n’expriment les réalités ou les phénomènes dont ils rendent compte, s’il devient évident qu’ils produisent plus d’aveuglement que d’élucidation, alors surgit le problème : comment envisager la complexité de façon simple et non simpliste ? Ce problème toutefois ne peut immédiatement s’imposer. Il doit prouver sa légitimité, car le mot « complexité » n’a pas derrière lui un noble héritage philosophique, scientifique, ou épistémologique.

Il subit au contraire une lourde tare sémantique, puisqu’il porte en son sein confusion, incertitude, désordre. Sa définition première ne peut fournir aucune élucidation : est complexe ce qui ne peut se résumer en un maître mot, ce qui ne peut se ramener à une loi, ce qui ne peut se réduire à une idée simple. Autrement dit, le complexe ne peut se résumer dans le mot de complexité, se ramener à une loi de complexité, se réduire à l’idée de complexité. La complexité ne saurait être quelque chose qui se définirait de façon simple et prendrait la place de la simplicité. La complexité est un mot problème et non un mot solution.

La nécessité de la pensée complexe (la pensée systémique ou holistique) ne peut s’imposer que progressivement au cours d’un cheminement où apparaîtraient tout d’abord les limites, les insuffisances et les carences de la pensée simplifiante, c’est-à-dire on simplifie un système en le réduisant en parties (l’approche réductionniste), puis les conditions dans lesquelles nous ne pouvons éluder le défi du complexe. Il faudra ensuite se demander s’il y a des complexités différentes les unes des autres et si l’on peut lier ensemble ces complexités en un complexe des complexes. Il faudra enfin voir s’il est un mode de pensée, ou une méthode capable de relever le défi de la complexité. Il ne s’agira pas de reprendre l’ambition de la pensée simple qui était de contrôler et de maîtriser le réel. Il s’agit de s’exercer à une pensée capable de traiter avec le réel, de dialoguer avec lui, de négocier avec lui. Pour cela il faudra dissiper deux illusions qui détournent les esprits du problème de la pensée complexe.

La première est de croire que la complexité conduit à l’élimination de la simplicité. La complexité apparaît certes là où la pensée réductionniste, simplifiante, défaille, mais elle intègre en elle tout ce qui met de l’ordre, de la clarté, de la distinction, de la précision dans la connaissance. Alors que la pensée simplifiante désintègre la complexité du réel, la pensée complexe intègre le plus possible les modes simplifiants de penser, mais refuse les conséquences mutilantes, réductrices, unidimensionnalisantes et finalement aveuglantes d’une simplification qui se prend pour le reflet de ce qu’il y a de réel dans la réalité.

La seconde illusion est de confondre complexité et complétude. Certes, l’ambition de la pensée complexe est de rendre compte des articulations entre des domaines disciplinaires qui sont brisés par la pensée disjonctive (qui est un des aspects majeurs de la pensée simplifiante) ; celle-ci isole ce qu’elle sépare, et occulte tout ce qui relie, interagit, interfère. Dans ce sens la pensée complexe aspire à la connaissance multidimensionnelle. Mais elle sait au départ que la connaissance complète est impossible : un des axiomes de la complexité est l’impossibilité, même en théorie, d’une omniscience. Elle comporte la reconnaissance d’un principe d’incomplétude et d’incertitude. Mais elle porte aussi en son principe la reconnaissance des liens entre les entités que notre pensée doit nécessairement distinguer, mais non isoler les unes des autres. Pascal avait justement posé que toutes choses sont « causées et causantes, aidées et aidantes, médiates et immédiates, et que toutes s’entretiennent par un lien naturel et insensible qui lie les plus éloignées et les plus différentes.» Aussi la pensée complexe est animée par une tension permanente entre l’aspiration à un savoir non parcellaire, non cloisonné, non réducteur, et la reconnaissance de l’inachèvement et de l’incomplétude de toute connaissance.

Il faut une prise de conscience pour sortir de l’intelligence aveugle. Nous avons acquis des connaissances inouïes sur le monde physique, biologique, psychologique, sociologique. La science fait régner de plus en plus largement des méthodes de vérification empirique et logique. Les lumières de la « Raison » semblent refouler dans les bas-fonds de l’esprit mythes et ténèbres. Et pourtant, partout, erreur, ignorance, aveuglement, progressent en même temps que nos connaissances.

Une prise de conscience radicale nous est nécessaire, car : 1) La cause profonde d’erreur n’est pas dans l’erreur de fait (fausse perception) ou l’erreur logique (incohérence), mais dans le mode d’organisation de notre savoir en système d’idées (théories, idéologies) ; 2) Il y a une nouvelle ignorance liée au développement de la science du management elle-même ; 3) Il y a un nouvel aveuglement lié à l’usage dégradé de la raison ; 4) Les plus graves menaces qu’encourt les entreprises, les institutions et les gens sont liées au progrès aveugle et incontrôlé de la connaissance.

Il est nécessaire de prendre conscience que ces erreurs, ignorances, aveuglements, périls ont un caractère commun qui résulte d’un mode mutilant d’organisation de la connaissance, incapable de reconnaître et d’appréhender la complexité du réel. L’avènement de la Théorie des Contraintes (TOC), avec tout son corps de connaissances, a permis de traiter tout système dans son état naturel et dans son état de déséquilibre. A l’inverse de la pensée réductionniste (cartésienne) basée sur la croyance que « le tout est la somme des ses parties », la pensée de la TOC est basée sur « le tout est plus grand que la somme des ses parties ». Avec cette nouvelle pensée tout ce qui peut paraître complexe est d’une simplicité inhérente.  

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