SCIQUOM   I  IDEEFORCE         

     

Le répertoire d'idées permettant d'exploiter la pleine puissance de l'information et de la connaissance dans le management des opérations industrielles et institutionnelles


Ammar Hadj Messaoud, Ing.; M.SC.

Ordre – Désordre – Stratégie – Organisation

J’ai reçu un message personnel sur LinkedIn d’un contact dont  voici le contenu : «  j’aimerais bien vous demander une chose sur l’organisation de la société, d’une institution, d’une entreprise, peut-elle fonctionner dans un système aléatoire? Donnez- nous des orientations concernant le comment s’organiser dans un système aléatoire; comment instaurer l’autorité d’une institution publique; comment pouvoir gérer les récalcitrants dans un environnement tragique.»

J’ai répondu : « Il n’y a pas de système aléatoire, soit l’ordre ou le désordre.»

Il me répond : « on a toujours dit que nos institutions existent mais il ya un problème d’organisation dans nos institutions : un problème d’ordre, un problème de partage de tâche, un problème d’exécution, un problème de non obligation de résultats ou autre. De ce fait au jour d’aujourd’hui nous constatons avec ce qui se passe (avec le CORONAVIRUS) les citoyens ne sont pas discipliné(e)s, on sent une absence d’autorité ou l’autorité est inexistante.  Comment faire pour réorganiser ces imperfections? »

Tous ces questionnements relèvent de la gestion de la complexité. Étant mu par une pensée systémique basée sur la gestion de la complexité, aux questionnements posés plus haut on peut aussi en rajouter d’autres : Peut-on se satisfaire de ne concevoir l’individu qu’en excluant la société, la société qu’en excluant l’espèce, l’humain qu’en excluant la vie, la vie qu’en excluant la nature, la physique qu’en excluant la vie ? Peut-on accepter que les progrès locaux en précision s’accompagnent d’une imprécision sur les formes globales et les articulations ? Peut-on accepter que la mesure, la prévision, la manipulation fassent régresser l’intelligibilité ? Peut-on accepter que les informations se transforment en bruit, qu’une pluie de micro-élucidations se transforme en obscurcissement généralisé ? Peut-on accepter que les questions clés soient renvoyées aux oubliettes ? Peut-on accepter que la connaissance se fonde sur l’exclusion du connaissant, que la pensée se fonde sur l’exclusion du pensant, que le sujet soit exclu de la construction de l’objet ? Que la science soit totalement inconsciente de son insertion et de sa détermination sociale ? Peut-on considérer comme normal et évident que la connaissance scientifique n’ait pas de sujet, et que son objet soit disloqué entre les sciences, émietté entre les disciplines ? Peut-on accepter une telle obscurité sur la connaissance ?

Peut-on continuer à renvoyer ces questions à la poubelle ? Tenter d’y répondre, est inconcevable, dérisoire, insensé. Mais il est encore plus inconcevable, dérisoire, insensé de les expulser.

Nous ne pouvons partir que dans l’ignorance, l’incertitude, la confusion. Mais il s’agit d’une conscience nouvelle de l’ignorance, de l’incertitude, de la confusion. Ce dont nous avons pris conscience, ce n’est pas l’ignorance humaine en général, c’est l’ignorance tapie, enfouie, quasi nucléaire, au cœur de notre connaissance réputée la plus certaine, la connaissance scientifique du management. Nous savons désormais que cette connaissance est mal connue, mal connaissante, morcelée, ignorante de son propre inconnu comme de son connu. L’incertitude devient viatique : le doute sur le doute donne au doute une dimension nouvelle, celle de la réflexivité ; le doute par lequel le sujet s’interroge sur les conditions d’émergence et d’existence de sa propre pensée constitue dès lors une pensée potentiellement relativiste, relationniste et auto-connaissante. Enfin, l’acceptation de la confusion peut devenir un moyen de résister à la simplification mutilatrice. Certes, la méthode nous manque au départ ; du moins pouvons-nous disposer d’anti-méthode, où ignorance, incertitude, confusion deviennent vertus.

A partir de là il ya deux interrogations fondamentales : 1) l’une à partir de la notion de système qui nous permet une élaboration du concept d’organisation ; 2) l’autre sur les relations entre l’ordre (les lois, régularités, constances, cycles), le désordre (les hasards, turbulences, collisions, dispersions, désintégrations) et l’organisation, pour arriver à la formulation de leur inséparabilité dans un triangle (trépied) ou diagramme de Venn.

De la même façon tout système repose sur une circularité des aspects HOT (Humain- Organisationnel-Technique), et pour opérer une telle articulation il faudrait réunir des connaissances et des compétences qui dépassent nos capacités. C’est donc trop demander. Mais, du même coup, nous voyons que l’élucidation d’une telle relation se heurte à une triple impossibilité qu’on essaie de résoudre par la décomposition en parties :

1) Le circuit HOT envahit tout le champ de la connaissance et exige un impossible savoir encyclopédique ;

2) La constitution d’une relation, là où il y avait disjonction, pose un problème doublement insondable : celui de l’origine et de la nature du principe qui nous enjoint d’isoler et de séparer pour connaître, celui de la possibilité d’un autre principe capable de relier l’isolé et le séparé ; et 3) Le caractère circulaire de la relation prend figure de cercle vicieux, c’est-à-dire d’absurdité logique, puisque la connaissance humaine dépend de la connaissance technique, laquelle dépend de la connaissance organisationnelle et ainsi de suite, à l’infini. Nous avons là non pas une rampe de lancement, mais un cycle infernal.

 Cette relation circulaire signifie tout d’abord qu’une science de l’homme postule une science de l’organisation, laquelle à son tour postule une science de l’homme : or, logiquement cette relation de dépendance mutuelle renvoie chacune de ces propositions de l’une à l’autre, de l’autre à l’une, dans un cycle infernal où aucune ne peut prendre corps. Cette relation circulaire signifie aussi qu’en même temps que la réalité organisationnelle relève de la réalité technique, la réalité technique relève de la réalité organisationnelle. Pour gérer cette complexité on fait appel à ce que nous savons faire le mieux qui consiste à disjoindre ce système en parties (perdre la circularité), et cette façon de faire débouche sur l’impossibilité d’une connaissance véritablement objective. Conserver la circularité, c’est peut-être, du coup, ouvrir la possibilité d’une connaissance réfléchissant sur elle-même. Concevoir la circularité, c’est dès lors ouvrir la possibilité d’une méthode qui, en faisant interagir les termes qui se renvoient les uns les autres, deviendrait productive, à travers ces processus et échanges, d’une connaissance permettant de gérer la complexité comportant sa propre réflexivité. Ainsi nous voyons notre espoir surgir de ce qui faisait le désespoir de la pensée simplifiante : le paradoxe, l’antinomie, le cercle vicieux. Nous entrevoyons la possibilité de transformer les cercles vicieux en cycles vertueux, devenant réflexifs et générateurs d’une pensée relative à la complexité dynamique qui focalise sur la synergie du triangle HOT, l’optimum global. D’où cette idée qui guidera notre départ : il ne faut pas briser nos circularités (interactions), il faut au contraire veiller à ne pas s’en détacher. Cette circularité sera notre roue, notre route sera spirale.

On doit passer du cercle vicieux au cycle vertueux, pour cela il faut admettre les impossibilités majeures qui condamnent toute entreprise ou institution : 1) l’impossibilité logique (cercle vicieux) ; 2) l’impossibilité du savoir encyclopédique ; et 3) la présence toute-puissante du principe de disjonction (l’approche réductionniste taylorienne) et l’absence d’un nouveau principe d’organisation du savoir.

Ces impossibilités sont imbriquées les unes dans les autres, et leur conjugaison donne cette énorme absurdité : un cercle vicieux d’ampleur encyclopédique et qui ne dispose ni de principe, ni de méthode pour s’organiser.

La Théorie des Contraintes (TOC) m’a permis d’être convaincu que les problèmes dont l’urgence nous accroche à l’actualité exigent que nous nous en arrachions pour les considérer en leur fond, la racine ou la contrainte. La Théorie des Contraintes (TOC) m’a permis d’être convaincu que nos principes de connaissances occultent ce qu’il est désormais vital de connaître. La Théorie des Contraintes (TOC) m’a permis d’être convaincu que la relation doit demeurer et, même quand elle est invisible, traitée de façon systémique. La Théorie des Contraintes (TOC) m’a permis d’être convaincu que les concepts dont nous nous servons pour concevoir notre société, entreprise ou institution sont mutilés et débouchent sur des actions inévitablement mutilantes. La Théorie des Contraintes (TOC) m’a permis d’être convaincu que la science du management a besoin de s’articuler sur la science de la nature, et que cette articulation requiert une réorganisation de la structure même de la pensée et du savoir. Une telle perspective pose de nouveaux problèmes, plus fondamentaux et plus radicaux encore, auxquels on ne peut échapper : 1) que signifie le radical « auto »d’auto-organisation ?  2) Qu’est-ce que l’organisation ?  Et  3) Qu’est-ce que la complexité ? La première question rouvre la problématique de l’organisation vivante. La seconde et la troisième ouvrent des questions en chaîne. Ces questions entraînent en des chemins qu’on ignore.

L’organisation est un concept original si on conçoit sa nature technique. Elle introduit alors une dimension technique radicale dans l’organisation vivante et l’aspect humain, qui peuvent et doivent être considérées comme des développements transformateurs de l’aspect technique. Du coup, la liaison entre l’aspect technique et humain ne peut plus être limitée à la machine, ni même à l’outil. Elle doit être organisationnelle. Dès lors, il faut non seulement articuler l’aspect humain à l’aspect organisationnel, il faut articuler l’une et l’autre en la consolidant à travers  l’aspect organisationnel.

On comprend donc que les liaisons entre les matrices HOT en dépendance mutuelle demeurent dénoncées comme vicieuses et dans leur principe, et dans leurs conséquences (la perte du socle de l’objectivité). Aussi a-t-on toujours brisé les cercles vicieux soit en isolant les éléments du socle, soit en choisissant l’aspect technique comme principe simple auquel on doit ramener les autres. Ainsi, en ce qui concerne la relation humain/organisation/technique chacun de ces termes fut isolé, et la seule liaison concevable fut la réduction de l’aspect  humain à l’aspect  technique, de l’aspect organisationnel à l’aspect humain. Ainsi la connaissance qui relie un esprit et un objet est ramenée soit à l’objet technique (empirisme) soit à l’esprit humain (idéalisme). Ainsi la relation sujet/objet est dissociée, la science s’emparant de l’objet, la philosophie du sujet. C’est dire par là même que briser la circularité, éliminer les antinomies, c’est précisément retomber sous l’empire du principe de disjonction/simplification qui rend artificiel un système naturel. Par contre, conserver la circularité, c’est refuser la réduction d’une donnée complexe à un principe mutilant. C’est refuser le discours linéaire avec point de départ et terminus. C’est refuser la simplification abstraite. Briser la circularité semble rétablir la possibilité d’une connaissance absolument objective. Mais c’est cela qui est illusoire : conserver la circularité, c’est au contraire respecter les conditions objectives de la connaissance humaine, qui comporte toujours, quelque part, paradoxe logique et incertitude.

Prenons une entreprise ou une institution, première étape de la complexité : nous avons des connaissances simples qui n’aident pas à connaître les propriétés de l’ensemble. Un constat banal qui a des conséquences non banales : une entreprise ou une institution est plus que la somme des entités qui la constituent. Un tout est plus que la somme des parties qui la constituent.

Deuxième étape de la complexité : le fait qu’il y a une entreprise ou une institution fait que les qualités de tel ou tel type d’entités  ne peuvent toutes s’exprimer pleinement. Elles sont inhibées ou virtualisées. Le tout est alors moins que la somme des parties. Troisième étape : cela présente des difficultés pour notre entendement et notre structure mentale. Le tout est à la fois plus et moins que la somme des parties. Dans cette entreprise ou institution comme dans l’organisation, les entités ne sont pas disposées au hasard. Elles sont organisées en fonction d’un canevas où chaque partie concourt à l’ensemble. Et l’entreprise ou l’institution elle-même est un phénomène perceptible et connaissable, qui ne peut être expliqué par aucune loi simple.

Une organisation telle que l’entreprise se situe dans un marché. Elle produit des objets ou des services, des choses qui lui deviennent extérieures et entrent dans l’univers de la consommation. Se limiter à une vision hétéro-productrice de l’entreprise serait insuffisant. Car en produisant des choses et des services, l’entreprise, en même temps, s’auto-produit. Cela veut dire qu’elle produit tous les éléments nécessaires à sa propre survie et à sa propre organisation. En organisant la production d’objets et de services, elle s’auto-organise, s’auto-entretient, si nécessaire s’auto-répare, et si les choses vont bien, s’auto-développe en développant sa production. Ainsi en produisant des produits indépendants du producteur, se développe un processus où le producteur se produit lui-même. D’une part, son auto-production est nécessaire à la production d’objets, d’autre part la production des objets est nécessaire à sa propre auto-production. La complexité apparaît dans cet énoncé : on produit des choses et l’on s’auto-produit en même temps; le producteur lui-même est son propre produit. Cet énoncé pose un problème de causalité.

Premier angle : la causalité linéaire. Si avec telle matière première, en apiquant tel processus de transformation, on produit tel objet de consommation, on s’inscrit dans une lignée de causalité linéaire : telle cause produit tels effets. Deuxième angle : la causalité circulaire rétroactive. Une entreprise a besoin d’être régulée. Elle doit effectuer sa production en fonction des besoins extérieurs, de sa force de travail et de ses capacités énergétiques internes. Or nous savons  que l’effet (vente ou mévente) peut rétroagir pour stimuler ou faire régresser la production d’objets et de services dans l’entreprise.

Troisième angle : la causalité récursive. Dans le processus récursif, les effets et produits sont nécessaires au processus qui les génère. Le produit est producteur de ce qui le produit.

Ces trois causalités se retrouvent à tous les niveaux d’organisations complexes. La Société, par exemple, est produite par les interactions entre les individus qui la constituent. La Société elle-même, comme un tout organisé et organisateur, rétroagit pour produire les individus par l’éducation, le langage, l’école. Ainsi les individus, dans leurs interactions, produisent la Société, laquelle produit les individus qui la produisent. Cela se fait dans un circuit spiral à travers l’évolution historique.

Cette compréhension de la complexité nécessite un changement assez profond de nos structures mentales, de nos paradigmes. Le risque, si ce changement de structures mentales ne se produit pas, serait d’aller vers la pure confusion ou le refus de voir les vrais problèmes. Il n’y a pas d’un côté l’individu, de l’autre la Société, d’un côté l’espèce, de l’autre les individus, d’un côté l’entreprise avec son organigramme, son programme de production, ses études de marché, de l’autre ses problèmes de relations humaines, de personnel, de relations publiques. Les deux processus sont inséparables et interdépendants. Nous, les êtres humains, connaissons le monde à travers les messages transmis par nos sens à notre cerveau. Le monde est présent à l’intérieur de notre esprit, lequel est à l’intérieur de notre monde. La vision simplifiée serait de dire : la partie est dans le tout. La vision complexe dit : non seulement la partie est dans le tout; le tout est à l’intérieur de la partie qui est à l’intérieur du tout ! Cette complexité est autre chose que la confusion du tout est dans tout et réciproquement. Cela est vrai pour la société : dès l’enfance elle s’imprime en tant que tout dans notre esprit, par l’éducation familiale, l’éducation scolaire, l’éducation universitaire. Nous sommes en face de systèmes extrêmement complexes où la partie est dans le tout et le tout est dans la partie. Cela est vrai pour l’entreprise qui a ses règles de fonctionnement et à l’intérieur de laquelle jouent les lois de la société tout entière.

Il faut apprendre à vivre et traiter avec le désordre. Une entreprise s’auto-éco-organise sur son marché : le marché, un phénomène à la fois ordonné, organisé et aléatoire. Aléatoire car il n’y a pas de certitude absolue sur les chances et les possibilités de vendre les produits et les services, même s’il y a des possibilités, des probabilités, des plausibilités. Le marché est un mélange d’ordre et de désordre. Malheureusement – ou heureusement – l’univers tout entier est un cocktail d’ordre, de désordre et d’organisation. Nous sommes dans un univers d’où l’on ne peut écarter l’aléa, l’incertain, le désordre. Nous devons vivre et traiter avec le désordre.

On peut se poser cette question : c’est quoi l’ordre ? C’est tout ce qui est répétition, constance, invariance, tout ce qui peut être mis sous l’égide d’une relation hautement probable, cadré sous la dépendance d’une loi. Aussi, c’est quoi le désordre ? C’est tout ce qui est irrégularité, déviations par rapport à une structure donnée, aléa, imprévisibilité. Dans un univers d’ordre pur, il n’y aurait ni innovation, ni création, ni évolution. Il n’y aurait pas d’existence vivante ni humaine. De même aucune existence ne serait possible dans le· pur désordre, car il n’y aurait aucun élément de stabilité pour y fonder une organisation. Les organisations ont besoin d’ordre et besoin de désordre. Dans un univers où les systèmes subissent l’accroissement du désordre et tendent à se désintégrer, leur organisation permet de refouler, capter et utiliser le désordre.

Toute organisation, comme tout phénomène physique, organisationnel et, bien entendu, vivant, tend à se dégrader et à dégénérer. Le phénomène de la désintégration et de la décadence est un phénomène normal. Autrement dit, ce qui est normal ce n’est pas que les choses durent, telles quelles, cela serait au contraire inquiétant. Il n’y a aucune recette d’équilibre. La seule façon de lutter contre la dégénérescence est dans la régénération permanente, autrement dit dans l’aptitude de l’ensemble de l’organisation à se régénérer et à se réorganiser en faisant front à tous les processus de désintégration.

Maintenant voyons comment les termes ordre, désordre, programme, stratégie et organisation s’articulent. La notion de stratégie s’oppose à celle de programme. Un programme, c’est une séquence d’actions prédéterminées qui doit fonctionner dans des circonstances qui en permettent l’accomplissement. Si les circonstances extérieures ne sont pas favorables, le programme s’arrête ou échoue. La stratégie, elle, élabore un ou plusieurs scénarios. Dès le début elle se prépare, s’il y a du nouveau ou de l’inattendu, à l’intégrer pour modifier ou enrichir son action. L’avantage du programme est évidemment une très grande économie : on n’a pas à réfléchir, tout se fait par automatisme. Une stratégie, par contre, se détermine en tenant compte d’une situation aléatoire, d’éléments adverses, voire d’adversaires, et elle est amenée à se modifier en fonction des informations fournies en cours de route, elle peut avoir une très grande souplesse. Mais une stratégie, pour être menée par une organisation, nécessite alors que l’organisation ne soit pas conçue pour obéir à de la programmation, mais puisse traiter des éléments capables de contribuer à l’élaboration et au développement de la stratégie.

Je crois alors que notre modèle idéal de fonctionnalité et de rationalité basé sur les optimisations locales n’est pas seulement un modèle abstrait, mais un modèle nuisible. Nuisible pour ceux qui sont dans les administrations, enfin pour l’ensemble de la vie sociale. Un tel modèle est évidemment rigide, et tout ce qui est programmé souffre de rigidité par rapport à la stratégie. Bien entendu, dans une administration on ne peut pas dire que chacun puisse devenir stratège, à ce moment-là ce serait le désordre le plus total. Mais, en général, on évite de poser le problème de la rigidité et des possibilités de souplesse et « d’adaptabilité», ce qui favorise les scléroses dans le phénomène bureaucratique.

La bureaucratie est ambivalente. La bureaucratie est rationnelle parce qu’elle applique des règles impersonnelles valables pour tous et qu’elle assure la cohésion et la fonctionnalité d’une organisation. Mais, d’un autre côté, cette même bureaucratie peut être critiquée comme étant un pur instrument de décisions qui ne sont pas nécessairement rationnelles. La bureaucratie peut être considérée comme un ensemble parasitaire où se développent toute une série de blocages, d’embouteillages qui deviennent un phénomène parasitaire au sein de la société. On peut alors considérer le problème de la bureaucratie sous ce double angle parasitaire et rationnel, et il est dommage que la pensée sociologique n’ait pas franchi la barre de cette alternative. Sans doute ne pouvait-elle pas la franchir parce que le problème de la bureaucratie ou de l’administration doit être d’abord posé en termes fondamentaux sur le plan de la complexité.

Dans l’entreprise, le vice de la conception taylorienne du travail fut de considérer l’homme uniquement comme une machine physique. En un deuxième temps, on a réalisé qu’il y a aussi un homme biologique ; on a adapté l’homme biologique à son travail et les conditions de travail à cet homme. Puis, quand on a réalisé qu’il existe aussi un homme psychologique, frustré par des tâches parcellaires, on a inventé l’enrichissement des tâches. L’évolution du travail illustre le passage de l’unidimensionnalité à la multi-dimensionnalité. Nous ne sommes qu’au début de ce processus.

Le facteur « jeu » est un facteur de désordre mais aussi de souplesse: la volonté d’imposer à l’intérieur d’une entreprise un ordre implacable est non efficiente. Toute les instructions qui vont, en cas de panne, d’incidents, d’événements inattendus, exiger l’arrêt immédiat du secteur ou de la machine sont contre-efficientes. Il faut laisser une part d’initiative à chaque échelon et à chaque individu, orientée vers l’optimum global du système.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Omgomg Onion Shop омг