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Le répertoire d'idées permettant d'exploiter la pleine puissance de l'information et de la connaissance dans le management des opérations industrielles et institutionnelles


Ammar Hadj Messaoud, Ing.; M.SC.

Archives mensuelles : avril 2022

LE SYSTÈME DE LA GOUVERNANCE ALGÉRIENNE OU LE MONSTRE DE FRANKENSTEIN

L’idée d’écrire cette publication m’est venue au cours d’un déplacement vendredi 1er avril. Pour un trajet de 20 minutes j’ai mis 1 heure et 5 minutes. 45 minutes ont été gaspillées à cause de 3 barrages, 2 barrages de gendarmerie  et un barrage de police, sur une distance de 5 km. C’était un vendredi, pas un jour de semaine, il n’y a pas beaucoup de circulation. La question qu’on peut se poser est : quelle est la valeur ajoutée apporté aux citoyens algériens par cette multitude de freins aux flux de la circulation. Cette façon de gérer la « sécurité nationale » en créant des goulots d’étranglement de la circulation automobile ne génère que du gaspillage. On dit bien que « le temps est de l’argent ». Si on prend la peine de calculer annuellement tout le temps perdu par les citoyens algériens (dans le cadre de leurs activités) à cause de ces freins à la circulation on trouvera certainement des chiffres astronomiques de quoi construire plusieurs hôpitaux. Bien entendu cet aspect n’est qu’un « détail » parmi tous les « détails » auxquels sont confrontés les algériens dans leur vie au quotidien dans tous les domaines de la vie. Ces détails sont les effets des décisions et actions des gouvernants du régime politique de l’Algérie. Pris dans leurs ensembles ces détails constituent pour tout algérien une vie monstrueuse, cauchemardesque et infernale. Suis-je le seul à le penser ? Rien que d’instinct je peux dire que 80% de la rente pétrolière du pays est gaspillée, surtout depuis les 20 dernières années.

Le régime politique de l’Algérie est en situation de crises multidimensionnelles dont les effets engendrés sont mis en évidence à travers : 1) la corruption ;2) le défaut de moralité ; 3) l’incompétence en management et en leadership; 4) les pauvretés culturelle ; 5) la pauvreté économique ; 6) l’inaccessibilité aux bons soins de santé ; 7) une cohésion sociale désintégrée; et 8) le gaspillage des ressources naturelles et humaines, etc…Tous ces effets sont des problématiques que nous connaissons bien. Elles nous tourmentent et vont nous tourmenter pendant des générations parce qu’elles sont de  vicieuses problématiques chroniques.

Les problèmes vicieux sont complexes et impliquent plusieurs constituants différents avec des objectifs concurrents ou contradictoires. Ils tourmentent parce qu’ils défient les moyens traditionnels pour les résoudre du fait qu’ils sont causés par les nombreuses façons de gérer; ils sont imbriqués et difficiles à démêler. Non seulement les procédés classiques ne parviennent pas à résoudre ces effets indésirables, mais ils peuvent exacerber des situations en générant d’autres conséquences indésirables. Les problèmes engendrés par le régime politique de l’Algérie ont des réponses qui ne sont pas facilement apparentes; les résoudre peut prendre des générations. La clé pour résoudre ces problèmes chroniques réside dans la définition avec précision de la problématique, de sa clarté et du détail.

Lorsque j’écoute les gouvernants du régime politique de l’Algérie parler, j’ai cette forte impression qu’ils ont l’exclusivité ou monopole de l’amour du pays et que cet amour est juste pour eux, le « Reste » des algériens n’ont pas de « cœur ». De plus, tout algérien qui aime son pays mais pas de la même façon que celle des gouvernants est mis dans le panier de « l’ennemi de l’Algérie. »  Ce que les gouvernants du régime politique algérien aiment vraiment sont leurs privilèges conférés par le pouvoir qu’ils détiennent, leurs passe-droits et juste leurs intérêts personnels en faisant abstraction des aspirations du « Reste ». Le paradoxe est qu’ils ne savent pas que l’amour d’un pays dans le cadre des responsabilités de leurs pouvoirs doit se manifester à travers des hyper-produits qui s’appellent éducation, santé, richesse, amitié, citoyenneté et liberté qui transcendent tous les systèmes de gouvernance dignes et honorables. Ce sont ces hyper-produits qui se réalisent à travers le respect d’un certain nombre de principes de base positifs pour toute société, c’est-à-dire les principes de base pour le développement humain et les principes de base pour la cohésion sociale dans sa diversité. Les systèmes qui apprécient ces hyper-produits et qui les utilisent réussiront. Ceux qui ne le feront pas échoueront. Malheureusement, l’état actuel de l’Algérie est un effet qui montre que la plus grande menace pour le développement du pays dérive de  la nature même (l’ADN) des gouvernants du régime politique du pays.

Aussi, en écoutant la plupart de leurs discours ou de leurs opinions, je trouve que souvent leurs réflexions philosophiques commencent avec quelques perspectives de bon sens. Mais, l’analyse de leurs décisions, de leurs actions et de leurs comportements qui en découlent m’a permis de réduire une grande partie de la théorie éthique à un examen des motifs qui sont généralement donnés au jour le jour dans leurs discours et les justifications qui sont utilisées dans la défense d’une position éthique particulière ou d’une autre.

Les gouvernants du régime politique de l’Algérie ne font que du « bruit » en créant des structures consultatives scientifiques en faisant appel à des scientifiques algériens expatriés dans leurs domaines techniques.  Cela est un leurre, de l’illusion ! Peut-on avoir de la considération et du respect à ces scientifiques expatriés qui se rendent complices des illusionnistes qui gouvernent le pays ? Ceux qui prétendent être des chevaux de course dans leurs domaines techniques et qui acceptent d’être dans des conseils consultatifs dont les règles du jeu sont définies par des sans corps, sans âmes et sans cœurs ne méritent aucun respect et aucune  considération.

Il semble que petit à petit, depuis son indépendance, la gouvernance de l’Algérie a construit un monstre de Frankenstein qui a acquis sa propre vie de système et qui échappe à tout contrôle par ceux-là même qui l’on crée et par le « Reste ». Comme pour la météo, on peut l’observer et tracer sa progression, mais on ne peut pas la modifier. Les gouvernants du régime politique de l’Algérie se sont toujours mis  provisoirement à l’abri des tempêtes et des crises mais ils sont impuissants à les prévenir.

Arrive-t-il un moment où le pouvoir et la complexité prennent le dessus et où le système de gouvernance se précipite, hors de contrôle, vers un désastre inévitable ? Certes, nous avons la complexité. Cette complexité est d’une simplicité inhérente pour bien la gérer, mais avec d’autres paradigmes industrielles et institutionnels. La gouvernance algérienne depuis des décennies ne comprend pas le monde qu’elle était censée gouverner. Puis, au fur et à mesure que les choses se complexifiaient, les dirigeants font appel à des experts, mais ils ne sont toujours pas en mesure d’appréhender les options qui s’offraient à eux à cause des faiblesses chroniques qu’ils présentent en management et en leadership. Quand ils parlent de gouvernement de technocrates, ils ne savent pas que des technocrates mus par de vieux  concepts, d’une part, et dépourvus de leadership, d’autre part, ne peuvent qu’engendrer un monstre : le monstre de FRANKENSTEIN.

Aujourd’hui, les choses sont encore trop complexes et ces mêmes gouvernants font appel à des experts et des conseillers ayant la même nature qu’eux, c’est-à-dire mus par les mêmes paradigmes et dépassés par le temps. Combien de gouvernants depuis l’indépendance de l’Algérie comprennent vraiment les implications de leurs prises de décisions et les types particuliers de risques impliqués dans tous les domaines?  Les effets de leurs prises de décision on le voit au quotidien dans le niveau du développement humain et de la cohésion sociale qui ont engendré la régression économique. De plus, comment les politiques ont-ils choisir leur stratégie?  Le mieux qu’ils ont fait est de se tenir près des intérêts des décideurs invisibles, qui sont dans l’ombre, et de protéger ces mêmes  décideurs invisibles d’un danger évident.

Tout geste ou toute décision qui n’est pas fait dans la bonne direction ne fait qu’accroître la complexité des problèmes. Les gouvernants algériens ce sont mis dans un cercle vicieux qui ne fait qu’accroitre la régression continue du pays. Pour s’en sortir de ce cercle vicieux il faut beaucoup de volonté à ce changer sois même avant de prétende apporter de la prospérité au pays qui dérive de la cohésion sociale dans sa diversité et du développement humain.

La vitesse du changement augmente tout le temps, mais pas la durée de la vie humaine. La capacité de production de l’Algérie est énorme dans tous les domaines, mais elle est gaspillée en produisant de la non-valeur absolue dans tous les domaines de la vie, sur les plans spirituels, éducationnels et économiques. Tout ce qui se fait n’est que de l’illusion, car tout est basé sur le mensonge, le mal et le hideux. Ces trois éléments représentent le triptyque de la « raison ténébreuse » qui est massive obscure et difficilement pénétrable. Ce triptyque a produit le pipeline de la gouvernance algérienne qui, lui, repose sur un autre triptyque représenté par l’ignorance, l’arrogance et le mépris. Ce pipeline est le monstre de Frankenstein. En effet, dans la gouvernance algérienne la promotion des politiques se fait à travers leurs capacités de maintenir et faire perdurer ce monstre.

Il serait facile pour moi d’écrire un livre qui rejetterait la responsabilité des problèmes de l’Algérie sur des scientifiques aveugles, des politiciens avides ou des pays industrialisés indifférents à notre sort. Il serait facile de prétendre que si tout le monde s’arrangeait, l’avenir serait vraiment positif. Mais dans l’approche qui constitue mon état d’esprit, l’approche systémique, il n’y a pas de méchants. Il n’y a que des gens très intelligents qui agissent d’instant en instant avec le plus grand bon sens. Je souhaite suggérer que nos problèmes ne sont pas dus à la stupidité, mais à l’exercice de l’intelligence humaine. En effet, mon état d’esprit repose sur 4 piliers :

  1. Surmonter la perception de la réalité comme complexe, c’est la simplicité inhérente. Cela veut dire que chaque situation est simple, elle est régie par quelques points de levier. En effet, les gouvernants depuis l’indépendance du pays ont tendance d’essayer d’améliorer tout ce qui peut être amélioré. Ils ont tendance à traiter les symptômes plutôt que le problème principal. L’attention des gouvernants doit être concentrée sur les quelques facteurs déterminants qui dictent la capacité à atteindre davantage des hyper-produits. Les contraintes du système de gouvernance de l’Algérie sont à 90% des contraintes de politiques (les règles de décisions) qui dérivent de l’inertie des vielles mentalités des dirigeants. De plus, mettre le focus sur ces contraintes de politiques n’est pas toujours aussi simple. Le focus commence par décider de ce qu’il ne faut pas faire ! Comment les gouvernants de l’Algérie peuvent-ils se concentrer lorsqu’ils sont tellement surchargés et distraits par de nombreuses tâches urgentes ? Ces tâches urgentes et improvisées ne découlent pas d’une vision viable, mais bel et bien de la perte de contrôle du monstre de Frankenstein. La première étape pour se concentrer est d’avoir le courage de décider de ce qu’il faut cesser de faire ! Arrêter de maintenir et de nourrir ce monstre.
  2. Éviter de blâmer, tous les gens sont bons, il y a toujours des solutions gagnant-gagnant. Les gouvernants qui blâment les algériens à cause d’opinions différentes des leurs empêchent la collaboration et soulèvent des mécanismes de défense qui masquent les lacunes et les erreurs de gouvernance. Les algériens veulent avoir une vie meilleure et améliorer leur environnement, la plupart des oppositions découlent de conflits entraînés par des besoins légitimes.
  3. Tout conflit peut être supprimé, il ne faut pas accepter les conflits tels qu’ils sont présentés. Il doit y avoir une raison pour laquelle le problème de la régression continue de l’Algérie, dans tous les domaines, existe depuis longtemps. Il y a probablement un conflit de longue durée, c’est le maintien en vie du monstre de Frankenstein. Les gouvernants algériens continuent souvent à optimiser un conflit fondamental (la perte de contrôle du monstre de Frankenstein) plutôt que de le résoudre de manière gagnant-gagnant en y mettant fin. Osciller entre les extrêmes en conflit, c’est-à-dire les gouvernants et le « Reste » érode la stabilité du pays et renforce la discorde.
  4. Ne pas penser que vous savez, chaque situation peut être considérablement améliorée. Les gouvernants de l’Algérie continuent à se comporter de la même manière, même quand il est nécessaire de changer, c’est l’inertie des vielles mentalités en management et en leadership. L’inertie est l’ennemi de l’innovation. Même les meilleurs gouvernants et professionnels sont la proie de l’inertie, ils arrêtent de repousser les limites et traitent leurs hypothèses, ou paradigmes, comme des faits et ne les contestent pas. L’inertie amène à faire face à des problèmes quand il est presque trop tard. Pour des gouvernants sensés «la crise est la mère de l’innovation». Mais, les gouvernants du régime politique de l’Algérie ne contestent pas l’existence même du monstre de Frankenstein.

Depuis l’indépendance de l’Algérie les politiques ont créé certaines règles, qui sont loin des principes de base positifs de toute civilisation, et à chaque point de décision, ils choisissent le plan d’action qui satisfait à ces règles. Ils sentent qu’ainsi ils ne peuvent pas se tromper et que l’accumulation des décisions les conduira plus loin vers le but relatif à la prospérité de l’Algérie. Or, les principes de base positifs que toute gouvernance prospère doit toujours chercher à suivre sont les principes de base de la civilisation tels que : le Respect de la vie humaine ; la Justice; la Liberté de penser et les autres questions encodées dans une constitution viable et durable. A ces principes de base pourraient s’ajouter d’autres principes de nature plus politique comme le principe d’égalité ou la répartition des richesses. Ce sont tous des principes positifs jusqu’à présent. Mais le système de gouvernance algérien fonctionne pour des principes de base négatifs comme l’appétence pour la corruption, l’appétence pour le passe-droit, l’appétence pour la promotion de la médiocrité, l’appétence pour le mensonge ou l’appétence pour l’autoritarisme. Il ne faut pas considérer l’assemblage total des principes de base positifs comme une utopie magique à laquelle nous atteindrons un jour. On doit les considérer comme des principes à appliquer à chaque point de décision afin que nous nous retrouvions dans la bonne direction.

Imaginez une randonnée d’exploration dans un land-rover traversant le désert du Sahara. Il n’est pas possible de définir un parcours en ligne droite et de s’y tenir car certaines des dunes de sable sont trop hautes pour être escaladées et doivent être détournées. Mais le navigateur a sa boussole et à chaque point de décision il dit au conducteur de se diriger vers le Nord. Ils savent que s’ils continuent à se diriger vers le nord, ils ne peuvent pas se tromper. Ainsi, cette « direction » générale du Nord correspond aux principes de base positifs que nous utilisons à nos points de décision alors que nous naviguons vers un plus grand degré de civilisation. Naviguer avec une carte désuète (paradigmes désuet) en l’absence d’une boussole (principes de base positifs), la stratégie apparaît simple, efficace et infaillible. Mais, hélas, ce n’est pas le cas. N’est-ce-pas le cas des politiques algériens dans tous les domaines ? Aucun des navigateurs de l’Algérie depuis son indépendance n’avait une boussole.

Malheureusement, le pays dans lequel nous vivons n’est pas comme un désert sans pistes, mais plutôt comme un réseau de routes à la campagne. On ne peut pas voyager librement dans n’importe quelle direction, mais on doit s’en tenir aux routes. Les routes correspondent aux structures dans lesquelles on s’est développé dans notre société. Il y a des structures politiques, des structures éducatives, des structures culturelles, des structures spirituelles, des structures sociales et des structures commerciales et lorsqu’on agit, on doit suivre la direction d’action des différentes structures qui existent. Nous avons des structures parlementaires et des structures financières et des structures juridiques et des structures médiatiques. Ces structures sont des institutions sociales qui existent en tant qu’organisations dans le monde qui nous entoure. Mais nous avons aussi des structures dans nos esprits, c’est-à-dire nos paradigmes ou modèles mentaux. Ces structures mentales résultent de la façon dont nous organisons le monde qui nous entoure en concepts. Ces concepts de structure sont généralement bien établis dans notre société et incluent des concepts tels que le profit, le capital, la justice et la démocratie. Mais, lorsque tous les concepts sur lesquels la gouvernance algérienne repose sont faux et dépassés, il ne peut y avoir de prospérité maintenant et durablement. C’est la régression continue.

Ainsi, dans l’analogie, nous transférons le land-rover du désert à la campagne et nous supposons qu’il se dirige toujours vers une destination située au nord. La stratégie tient-elle toujours ? Suffit-il que le navigateur dise au conducteur de prendre la route qui pointe vers le nord à chaque intersection – et d’éviter de prendre les routes qui vont vers le sud ? Ce n’est pas le cas. Prenons le cas le plus extrême, celui d’une autoroute allant d’Est en Ouest et s’incurvant légèrement vers le Nord. Notre voyage en land-rover va de l’Est. Le conducteur remarque qu’il y a une route qui sort de l’autoroute et qui pointe plein sud. Pour une raison quelconque, le signe est illisible. Il sait que la stratégie de base ne lui permet pas d’emprunter des routes orientées vers le sud, alors il continue le long de l’autoroute et ne trouve jamais de virage vers le nord. Bien sûr, tous les carrefours qui mènent finalement au nord pointent vers le sud là où ils quittent l’autoroute. Il s’agit d’un exemple extrême, mais le point est simple : dans un système routier, il peut souvent être nécessaire de voyager temporairement vers le sud pour finalement trouver votre chemin vers le nord. Mais une stratégie qui insiste pour que vous vous déplaciez vers le Nord à chaque instant ne le permet pas. Il faut savoir reculer, se départir de ses vieux paradigmes, pour avancer et prospérer.

Il est facile de voir pourquoi le système de gouvernance de l’Algérie ne peut pas permettre le mouvement temporaire vers le Sud ou un mouvement temporaire contre ses règles. Une telle acceptation signifierait que la fin justifiait les moyens, c’est-à-dire qu’il était permis d’aller à l’encontre des règles que le système s’est fixé si l’objectif ultime était d’aller dans le sens des principes de base positifs (c’est-à-dire aller vers le Sud pour éventuellement aller vers le Nord). Les terroristes justifient toujours le meurtre de civils innocents par le fait que la fin – l’objectif politique – justifie les moyens. Les dictateurs emprisonnent leurs opposants politiques sur la même base car l’objectif de stabilité politique justifie l’emprisonnement. Mais l’acceptation de la règle selon laquelle la fin justifie les moyens est trop dangereuse car elle détruit les principes de base positifs eux-mêmes. Toute personne qui souhaite aller à l’encontre des principes n’a qu’à prétendre un but ultime qui suit les principes.

Aussi, en développant l’argument de manière plus approfondie dans la notion d’éthique on constatera comment la dépendance de la notion de responsabilité dans la gouvernance crée une schizophrénie morale en raison du conflit entre la poursuite de l’intérêt personnel et le souci de ce qui est juste, honorable et digne. À ce stade, la notion d’une gouvernance sans âme – qui signifie sans point de repère final approprié ou vision – fait son apparition, n’est-ce pas le cas de notre Algérie ? Toute gouvernance doit être bâtie et entraînée par une vision épanouissante et anoblissant le citoyen algérien, c’est-à-dire la cause finale. Ainsi, on peut affirmer que les institutions humaines comme des «formes de vie» obtiennent leur nature de leur but.

L’évolution veut dire avancer et non reculer. Des erreurs peuvent être commises, mais il n’est pas possible de faire un pas négatif qui va consciemment à l’encontre de la direction de l’amélioration. L’évolution de la société algérienne ne peut se faire que vers la perfection et l’imbrication de ses institutions et de ses concepts. Une fois mis en place, ceux-ci ont un élan qui leur est propre et, dans l’interaction de leurs actions, ils s’enchevêtrent en un tout stable et intégral.

Le dinosaure était une créature remarquablement réussie. L’homme n’existe que depuis une dizaine de millions d’années mais le dinosaure a survécu pendant cent trente millions d’années. Ainsi, lorsque nous considérons le dinosaure comme un échec classique d’adaptation, nous regardons le moment de l’échec plutôt que les nombreuses années de succès. Jusqu’au moment de l’échec, le dinosaure était un succès. Mais la satisfaction rétrospective du succès n’était pas une protection contre l’extinction à l’avenir. De plus, jusqu’à la fin, les différentes parties du dinosaure ont rempli leur fonction évoluée dans un ordre parfait : le cœur, le cerveau, les muscles et les tendons ont tous fonctionné avec autant de compétence que jamais. Ainsi, ni une histoire réussie ni une solidité physiologique n’étaient suffisantes pour garantir au dinosaure un avenir dans son état évolué. La seule qualité évolutive qu’il n’avait pas était celle de l’adaptation. Mais c’était son succès même sur cent trente millions d’années qui avait perfectionné sa structure.

Nous voyons donc que ni la décision consciente ni l’élan évolutif ne peuvent permettre à l’Algérie de s’écarter de la direction qui s’est imposée dans le passé dans des circonstances peut-être assez différentes. Ce n’est pas un manque d’intelligence ou de bon sens. Ce n’est pas non plus une faiblesse ou un dysfonctionnement des institutions qui, comme les os et les muscles du dinosaure, constituent le tout.

Nous ne sommes pas sûrs du changement précis de circonstances qui a mis fin au succès du dinosaure. Il peut y avoir eu un changement majeur ou un changement mineur mais vital ou une série de petits changements dont chacun n’était pas important en soi mais qui, pris ensemble, ont tué le dinosaure. Très probablement, le dinosaure était conscient des changements, mais incapable de faire quoi que ce soit à leur sujet car il était enfermé dans son état évolutif perfectionné.

Cependant, nous connaissons les changements de circonstances auxquels la société algérienne est confrontée aujourd’hui. Ce sont des changements de puissance, de vitesse et d’amplitude. Nous devons faire face plus rapidement que jamais et à des problèmes beaucoup plus vastes et d’un ordre de complexité beaucoup plus grand que jamais. Dans le même temps, les erreurs d’encadrement dans la gouvernance algérienne peuvent être fatales, et c’est le cas aujourd’hui. Nous avons moins de temps pour prendre des décisions et moins de temps pour nous débrouiller dans le changement par essais et erreurs.

Fondamentalement, le problème est un problème de gouvernance de la complexité. De plus, les changements dans la technologie de la communication augmentent la complexité en permettant le développement de boucles de rétroaction. Les changements de pouvoir augmentent la complexité en étendant les ondulations d’effet qui se propagent dans la société.

Croire que c’est la technologie seule qui va permettre la prospérité du pays est une illusion. Croire que c’est l’économie numérique qui va assurer le développement du pays est une illusion. La technologie on s’en sert pour consolider la dimension humaine et organisationnelle. Or les contraintes du système de gouvernance algériennes sont d’ordres humains, c’est-à-dire une faiblesse chronique dans les concepts relatifs au management et les concepts relatifs au leadership.  Ce n’est pas l’ordinateur ou la création d’un conseil scientifique qui va sauver l’Algérie du gâchis engendré par les politiques dans la gestion de la complexité. La technologie ou l’ordinateur sera à la révolution organisationnelle ce que la vapeur était à la révolution industrielle. L’ordinateur peut étendre notre pouvoir d’organisation de la même manière que la vapeur étend notre puissance musculaire.

Les avantages de toute technologie ne se verront pas si nous l’utilisons simplement – ​​comme nous le faisons – pour nous sauver de l’inefficacité de notre façon actuelle de faire les choses. L’avantage de l’ordinateur est qu’il nous permet de développer des systèmes d’organisation totalement différents. Bien sûr, nous devons veiller à ce que le résultat soit plus humain plutôt que moins humain. De même, nous devons utiliser l’ordinateur pour réduire la complexité plutôt que pour l’augmenter, en permettant de faire face à une complexité accrue.

Nous ne pouvons pas compter sur les experts en informatique pour fournir les idées, car d’après mon expérience, elles sont – à quelques exceptions près – remarquablement dépourvues d’imagination. Ce n’est pas leur faute car, dans un domaine en pleine expansion, une fausse orthodoxie se développe rapidement : « définir le problème, trouver la solution standard, la mettre en œuvre. » Essentiellement, un expert en informatique livré à lui-même concevrait une jambe informatisée ingénieuse plutôt que la roue.

Pouvons-nous alors nous attendre à ce qu’une combinaison de bonne volonté, d’intelligence, d’habileté à résoudre des problèmes et que l’ordinateur, ou la technologie, résolve les problèmes auxquels tout algérien est confronté aujourd’hui ? À mon avis, la réponse est presque certainement négative. Nous n’avons pas manqué de bonne volonté, d’intelligence ou de capacité à résoudre les problèmes. Et tout ce que l’ordinateur fera, c’est pourvoir à l’exercice le plus efficace de ceux-ci.

Le problème est que, comme la voiture sur la route et le dinosaure avec son anatomie, nous sommes enfermés dans des structures qui déterminent notre liberté d’action. En pratique, ces structures sont les institutions dont nous disposons et, plus important encore, les concepts et les habitudes de pensée qui structurent notre esprit. Les entreprises et les pays qui se sont développés si efficacement n’ont pas eu à se battre avec des structures et des concepts établis. D’une chose nous pouvons être sûrs. La qualité de notre vie à l’avenir sera déterminée par la qualité de notre pensée. Avant de prétendre transformer un pays et diriger les autres, il faut être maître de soit même à travers sa propre transformation. Dans l’état d’esprit de la gouvernance algérienne, le concept de « nouvelle Algérie » est un leurre, le monstre de Frankenstein est toujours présent.

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